IL CONVIENT D’AVOIR VU LA SERIE AVANT DE LIRE L’ARTICLE
Dans le paysage télévisuel américain actuel, il n’y a que Ryan Murphy, père de Popular, Nip/Tuck, Glee, l’anthologie American Horror Story, Pose, 9-1-1… pour accoucher d’un personnage aussi ambigu et délicieux qui plus est sur une plateforme comme Netflix.
Bien sûr le créateur, scénariste et réalisateur avait déjà une belle matière première puisque le personnage existe dans le film culte de Milos Forman Vol au-dessus d’un nid de coucou. Mais il s’agissait pour lui de nous faire non seulement découvrir la « jeunesse » de cette infirmière cruelle et retorse, de comprendre comment elle en est arrivée à ce qu’elle est dans le film et surtout de nous la faire aimer. Car oui, à la fin de la première saison de Ratched, le téléspectateur aime Mildred Ratched parce qu’il comprend son cheminement.
L’une des grandes réussites de la série est d’avoir attribuée à une femme un rôle en général dévolu aux hommes à savoir celui de l’anti-héros.
Mildred Ratched est bien une anti-héroïne, une créature froide et distante à la verve qui claque. Une femme d’un sang-froid à toute épreuve, une infirmière qui a à cœur le bien-être de ses patients mais qui a d’abord peur de questionner les ordres barbares de sa hiérarchie, une manipulatrice hors pair qui a un but tout personnel, une femme qui ne se connaît pas complètement et a peur de ses désirs. Et une obsédée de la pêche (encore une !) qui prend personnellement qu’on lui pique son dessert.
Il faut dire que Mildred n’a jamais rien eu à elle. Elle s’est construite toute seule professionnellement parlant, sur un mensonge.
Pourquoi ? Parce que c’est ainsi que l’on survit quand on est orpheline, que l’on va de famille d’accueil en famille d’accueil et de maltraitance en abus sexuels.
Sa seule lueur d’espoir est cet autre orphelin qui deviendra son frère, un gamin lui aussi fracassé par la vie qui va se transformer par deux fois un tueur par vengeance.
Dès lors l’obsession de Mildred sera de le retrouver et de tenter de le sauver parce qu’il est sa seule famille.
Sauf que là encore, l’illusion est grande ! Le frère prodige s’est muée en sociopathe obsédé par cette sœur. Elle l’aime et veut le sauver, il l’aime et veut la tuer !
Non décidément, la seule famille à laquelle Mildred peut prétendre est celle qu’elle va se créer. Encore faut-il qu’elle s’accepte telle quelle est : « une femme qui préfère la compagnie des femmes » comme il est élégant de l’avouer dans les années 40.
Sa rencontre avec Gwedolyn Briggs (Cynthia Nixon), bras droit d’un gouverneur misogyne et conservateur va être un révélateur de sentiments. Elle-même coincée dans un mariage d’apparence avec un gay, Gwen va s’extirper de ce mensonge (alors qu’elle a beaucoup à perdre surtout professionnellement) pour découvrir le véritable amour. Son courage va inspirer Mildred.
Elle est encore loin du coming-out mais elle va accepter ses sentiments croissants et surtout les vivre. Parce que sans doute pour le première fois de sa vie, elle aime et est aimée en retour loin de toute relation toxique ou malsaine.
Le talent de Sarah Paulson n’était plus à prouver aussi bien à la télévision qu’au cinéma mais il faut bien avouer qu’avec Ratched, elle passe encore au niveau du dessus. Elle arrive à magnifiquement faire évoluer Mildred en lui imprimant une gravité intense, une imparable poker face.
Après Jessica Lange, elle est clairement la nouvelle muse de Ryan Murphy.
PS : on pourrait aussi vous parler de la performance incroyable de Sophie Okonedo mais ce n’est pas encore le moment