Depuis ses débuts, Femmes de séries s’est davantage attaché aux personnages qu’aux actrices qui les incarnent tout en leur reconnaissant un indéniable et parfois insolent talent.
Mais cette fois, c’est un peu différent.
Après deux ans de bons et royaux services, Claire Foy doit rendre sa couronne dans la série éponyme au profil d’Olivia Coleman qui assurera le rôle d’Elisabeth 2 dans les saisons 3 et 4.
L’occasion de revenir sur les deux saisons fondatrices à la fois de l’actrice et de la souveraine, de son couronnement à la naissance de son dernier enfant. Un passage de témoin entre comédiennes qui aura forcément un impact sur le traitement du personnage.
En 1953, à la mort de son père le Roi Georges, Elisabeth Windsor, nouvellement mariée à Philip Mounbatten ne sera plus jamais une femme ordinaire.
Elle devient la nouvelle reine d’Angleterre. Un titre au poids colossal mais aux responsabilités finalement très limitées. Cette jeune femme qui n’aspirait qu’à vivre à la campagne au milieu de ses chevaux doit désormais connaître les enjeux politiques du monde sans pour autant agir et donner un avis.
Non seulement Elisabeth va devoir se défaire de l’ombre de son père, souverain très aimé y compris de son premier ministre Winston Churchill mais aussi imposer sa marque sans s’aliéner les siens.
La jeune Reine très inexpérimentée ressemble très souvent à une biche prise dans les phares d’une voiture juste avant l’accident et en cela le visage très expressif de Claire Foy fait des merveilles.
Elle a beau être Reine, elle est au départ traitée comme une enfant par les hommes de son gouvernement à commencer par Churchill, grand homme d’état mais surtout roi des emmerdeurs. S’il est bien une personne qu’elle va réussir à « mater » et qui va la rassurer sur son rôle, c’est bien lui. Le géant se fait tout petit quand il est pris en flagrant délit de mensonge par sa Reine et montre à quel point il est fier d’elle quand elle fait le tour du Commonwealth et charme son monde.
A travers lui, c’est un peu de son très cher Papa qu’elle retrouve. Les hauts et les bas de leur relation ne cesseront de ponctuer la saison 1. Et quand il estimera qu’il n’a plus rien à lui apprendre, il démissionnera.
Devenir Reine c’est aussi faire passer les relations personnelles au second plan et en ce sens, dans l’entourage d’Elisabeth, c’est Philip, son mari et Margaret, sa sœur qui en souffriront le plus.
Philip Mounbatten est un choix curieux à bien y regarder. Il est très différent d’Elisabeth, c’est un esprit libre très marqué par son passé compliqué, un joueur, un séducteur.
A n’en pas douter, devenir Reine a intrinsèquement changé le caractère d’Elisabeth mais sans cette charge, aurait-elle vraiment été plus détendue, moins à cheval sur tout, plus intéressée par le monde, plus cultivée ? Le couple était donc forcément voué à aller dans le mur. Et il est ironique que ce soit finalement la fonction qui les oblige à ne pas divorcer (question qui est au cœur de la saison 2)
Le problème récurrent du couple Windsor demeure l’orgueil tout masculin de Philip qui n’acceptera jamais de passer après la couronne et de devoir s’incliner devant son épouse. C’est moins du machisme qu’une question d’égo. Il veut de l’égalité dans son couple ce qu’elle ne peut pas lui donner.
Dès lors c’est une sorte de marché qui va faire survivre le couple. Elizabeth va donc accorder à son époux quelques largesses : il est fait prince du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et devient conseiller personnel de la Reine.
Si le couronnement d’Elisabeth n’a que de légères répercussions sur la Reine Mère qui se retrouve sans rien à faire après le décès de son roi de mari, elle sera très vite un soutien constant pour sa fille.
En revanche, rien ne va pour sa soeur Margaret qui était habituée à n’en faire qu’à sa tête et à aller là où son cœur la mène. Problème : une mauvaise relation, un mauvais mariage et c’est toute la royauté qui est en danger.
Bien que proches dans leur enfance, Elisabeth et Margaret se sont toujours livrées une bataille féroce pour l’attention de leur père. Une parole malheureuse de ce dernier n’aura de cesse de conditionner la relation des deux sœurs : “Lilibet is my pride, Margaret my joy » (Elisabeth est ma fierté, Margaret est ma joie)
Elisabeth répétera souvent notamment en présence de Jackie Kennedy que Margaret était bien plus faite pour régner qu’elle-même. Il est vrai que Margaret est une femme du monde qui aime sortir, rencontrer des gens.
Quand elle tombe amoureuse d’un aviateur divorcé de 16 ans son aîné, Peter Townsend, Elisabeth et ses conseillers prennent peur, lui demande de patienter pour finalement refuser l’union. Margaret reprochera à sa sœur d’avoir fait capoter cette relation. Quand elle voudra épouser le photographe Tony Armstrong, il lui faudra attendre qu’Elisabeth alors en pleine grossesse, accouche pour ne pas « voler la vedette » à la Reine.
Comme revanche, Margaret ne se privera pas de partager avec sa sœur les rumeurs qu’elle entend lors des dîners sur les potentielles infidélités de Philip.
On le voit, que ce soit à titre privé ou politique, les premières années du règne d’Elisabeth II se feront dans la douleur et l’affrontement alors même que la Reine n’a techniquement rien à faire.
Comme le montre la série, elle passe ses journées dans ses différents palais, fatiguée de sa propre procrastination. Les dîners officiels l’ennuient tout autant que les voyages dans le Commonwealth. Pire que tout, Elisabeth, pourtant encore jeune en 1964 (fin de la saison 2) se voit comme une vieille femme. Elle est même jalouse de l’attention qui entoure Jacqueline Kennedy, la star du moment.
Les seuls moments où elle semble respirer c’est dans la nature de Balmoral.
Si The Crown nous apprend quelque chose c’est qu’être Reine est loin d’être aussi glamour qu’on le pense.
Il y a décidément quelque chose de triste au royaume des Windsor que le regard nostalgique de Claire Foy rend à merveille.
La Reine Claire Foy est mort, vive la Reine Olivia Coleman !
For the better of worse, the crown has landed on my head
The trouble is, I have the sort of face that if I stop smiling, everyone says ‘Isn’t she cross!
Yes, i am Queen. But I am also a woman… and a wife
It is not my job to govern. But it is my job to ensure proper governance.
My Lords, I hereby declare my will and pleasure that I and my children shall be styled and known as the House and Family of Windsor. And that my descendants, other than female descendants who marry, and their descendants, shall bear the name of Windsor.