ATTENTION SPOILERS SAISON 1
A choisir, le monde de The Handmaid’s Tale donnerait presque envie de rejoindre les inmates de Orange is the New Black ! Elles aussi sont en prison, voient leurs libertés réduites mais ce n’est rien comparé à ce que vivent les femmes de la République de Gilead.
Avec la nouveauté de la plateforme Hulu, adaptation d’un roman de Margaret Atwood, les sériesphiles tiennent là une oeuvre terrifiante et complexe sur la régression d’une société américaine qui comprend l’annihilation de toutes les libertés individuelles et de la liberté tout court que vous soyez ou nous bonnes à enfanter.
Dans cette prison à ciel ouvert (et encore quelques heures par jour), les femmes fertiles sont devenues les propriétés de riches couples en mal d’enfants. Les maris sont les Commandants, les femmes sont les Epouses, les ventres sont les Servantes, les bonnes à tout faire sont les Martha, les matronnes chargées de montrer leur nouvelle vie aux Servantes sont appelées les Tantes et les commandos d’hommes chargés de faire régner l’ordre sont les Yeux.
Quiconque (résistants, gays, médecins) ne va pas dans le sens de Gilead et de sa politique de repeuplement de la terre au nom du Seigneur finit pendu dans les rues des villes à la vue de tous pour bien servir d’exemples.
Ainsi tous les mois, à la période la plus optimale pour les servantes, a lieu la Cérémonie. Placées entre les jambes des épouses, les servantes sont violées par leurs commandants puis attendent que le miracle de la vie face son chemin.
C’est par les yeux de Offred, la servante de la famille Waterford que nous découvrons ce monde abominable et dystopique. Mais aussi celui d’autrefois et comment tout a basculé.
Comment du jour au lendemain ou presque les femmes ont été privées de leur droit à travailler, à gagner de l’argent, à lire des magazines, à aimer qui elles veulent aimer, à faire l’amour quand elles le désirent…
Comment les plus importantes aux yeux de cette secte rigoriste dirigée par des hommes pour des hommes, qui a semble-t-il pris l’ascendant sur le gouvernement américain de l’époque, sont parquées dans des centres de conditionnement où les Tantes leur apprennent à aimer leurs futures conditions de « vie ».
Comment certaines servantes ploient le genou (comme dirait une certaine Reine des Dragons) et rentrent dans le rang. Comment d’autres refusent de se conformer et entre en résistance via le fameux Mayday. Car comme le dit Offred : « They should have never given us uniforms if they didn’t want us to be an army » (Ils n’auraient pas du nous donner un uniforme s’ils ne voulaient pas que nous devenions une armée).
Car ce système de castes est effectivement catégorisé par un code vestimentaire aussi stricte que la loi qui l’applique. Comme pour mieux être visible et se conformer à son statut de femme qui incarne la vie et la renaissance d’une civilisation par le sang, la servante ne quitte jamais, à l’extérieur, sa tunique rouge et sa cornette blanche (qui l’empêche de trop voir le monde) lors de ses déplacements quotidiens pour faire quelques courses (toujours par deux).
Il n’y a aucune issue possible pour une servante. Soit elle lutte contre l’ordre établi et finit sa vie dans un endroit peu enviable nommé les colonies (torturée, excisée…), soit elle se conforme et se laisse peu à peu envahir par le vide jusqu’à ce qu’elle commette l’irréparable ou que son corps ne soit plus en capacité de donner la vie.
Mais pour autant, la servante n’est pas la seule victime de ce régime totalitaire. Elle en est la pire mais pas la seule.
Les épouses sont aussi contraintes à leur façon comme l’atteste le cas très intéressant de Serena Joy Waterford. Avant Serena était une intellectuelle, une féministe qui écrivait des livres et avait une vie de couple normale avec son époux haut placé. C’est par lui qu’elle va être initiée à la nouvelle idéologie de Gilead dont elle va même finir par écrire… la loi fondatrice ! Un comble !
Si elle le fait c’est moins par idéologie que par amour pour son époux. Sauf qu’elle va finalement se rendre compte qu’elle est prisonnière de son propre système, obligée d’assister aux ébats de son mari avec une tierce personne et d’étouffer les scandales que son comportement peut créer ! Pourtant, elle ne semble jamais remettre en doute sa fonction dans ce système rodé comme aucune de ses amies épouses. En revanche pour assurer le succès de son foyer et l’arrivée d’un enfant, elle n’hésite pas à contourner les règles.
Bien que moins appuyée, la contradiction est aussi présente chez les Tantes qui sont par contre de vraies fanatiques. Le personnage de Tante Livia (décidément impeccable Ann Dowd) croit dur comme fer à son rôle mais on décèle aussi chez elle une véritable affection pour « ses » filles qu’elle pense accompagner vers une vie meilleure.
Enfin il y a les Martha dont on apprend au détour d’une conversation que certaines complotent aussi contre le système. Leur rôle est essentiellement pratique, elles s’occupent des maisons des riches, prennent soin des servantes quand l’espoir d’un enfant apparaît. A l’image de Rita qui travaille chez les Waterford, elles semblent très ambivalentes. Tantôt peu amène, tantôt soutien plein d’attention pour les servantes.
Si The Handmaid’s Tale est aussi terrifiante (particulièrement lors de ses 5 premiers épisodes) c’est que ce récit qui date pourtant de 1985 résonne comme très (trop) actuel dans une Amérique nouvellement Trumpiste. Un président qui va de bêtise en régression chaque fois qu’il ouvre la bouche ou tweete. Un leader du monde libre sexiste, homophobe et raciste.
Alors oui, la série résonne méchamment à nos oreilles et nous inquiète pour les bonnes raisons. On ne pourra pas dire que nous n’avons pas été prévenus et que nous n’avons rien vu venir.
Si tel devait être le futur, The Handmaid’s Tale nous arme pour la suite et pour la lutte. Comme dans la série, la résistance est en marche !
Plus qu’un excellent show, un wake up call salutaire et nécessaire !