Chez Femmes de séries, on a le plus grand respect pour les secrétaires. Et pas seulement parce qu’il fut en son temps le beau métier de la femme de notre vie, notre mère ! La secrétaire, aujourd’hui renommée de façon politiquement correct (comme si l’ancien terme était un gros mot) « assistante » exerce une attraction absolument incroyable sur son entourage professionnel.
La société a d’elle cette image d’Epinal pas si flatteuse de fantasme de l’homme marié, celle avec laquelle on trompe sa femme. Et oui, en l’état, la secrétaire offre tous les avantages de l’épouse (la servitude, l’attention, l’écoute) sans les inconvénients (la vie à deux, les exigences, les compromis). A l’inverse, elle peut aussi être cette fonctionnaire renfrognée et âgée qui barre le chemin à qui tenterait de parler au patron.
Mais c’est là une vision à la fois vieillotte et réductrice de ce « personnage » de la vie de tous les jours que l’on croise partout dans le monde du travail. Elles sont flamboyantes, désagréables, pas commodes, irrésistibles, décalées, elles ont en somme toutes les couleurs de la femme.
Rien d’étonnant du coup à ce que les séries aient entrevus le potentiel d’exploitation de cette héroïne de pouvoir, pourtant le plus souvent dans l’ombre. Elles n’ont jamais été aussi nombreuses et aussi mises en avant que dans les shows contemporains (Suits, The West Wing, Mad Men, Masters of Sex) se révélant dans des rôles secondaires et ne souhaitant pas forcément renoncer à leur place à l’heure où -ce site en est la preuve- les femmes ne cessent de grimper l’échelle sérielle.
Il en est ainsi de la pétillante Donna Paulsen (Sarah Rafferty) de Suits qui hisse au rang d’art l’exercice de son métier. Pour les achats, ventes, les OPA hostiles, il faut voir Jessica, la grande patronne mais pour passer en douceur les hostilités et connaître le secret qui poussera une négociation dans le bon sens, adressez-vous à la « secrétaire » d’Harvey Specter. Si l’avocat est une rock star, Donna est sa première groupie mais aussi sa conscience et celle de tout le cabinet. Tout le monde y compris elle-même et Jessica est bien au courant du pouvoir détenu par l’incendiaire rousse dont le manque de modestie serait odieux s’il n’était pas si vrai. Donna sait tout sur tout le monde. Professionnelle émérite, elle anticipe très souvent les demandes de son patron. Avec une telle gestion des relations humaines, on pourrait croire que cette fille partie de rien, à la famille ruinée, avec des rêves de cinéma plein la tête chercherait à devenir son propre patron. De ce pouvoir-là, elle n’en a cure. Et s’il lui est arrivé de quitter le cabinet c’était avant tout pour des questions affectives. Toutes aussi vite réglées puisque Donna revient toujours.
Donna, le prénom officiel des assistantes irrésistibles et bad-ass ? Il semblerait bien.
Avant la rousse 2.0 de New York, il y eut la blonde de la petite maison blanche du 1600 Pennsylvania Avenue de Washington : Donna Moss (Janel Moloney) dans The West Wing. Un champ d’action plus vaste et de fait plus dilué mais une authentique fidélité à son patron, Josh Liman. Monsieur le secrétaire général adjoint de la Maison Blanche a une grande bouche et un QI impressionnant mais sans Donna, il ne retrouve même pas son chemin perdu dans un patelin au fin fond de l’Amérique ! Entre eux, les remarques acerbes fusent (c’est aussi le principe de la série et de l’écriture d’Aaron Sorkin) mais ils veillent constamment l’un sur l’autre. Il y a dès le départ entre le patron et son assistante une évidence romantique qui s’installe. Ils sont fait l’un pour l’autre et ils sont les seuls à ne pas le voir ou l’accepter. A la différence de sa descendante new-yorkaise évoquée plus haut, Donna va choisir de quitter Josh pour faire progresser sa carrière. Mais c’est aussi le début des frictions entre eux, désormais dans des camps adverses. Tour à tour directrice de la communication de l’autre candidat à la présidence des USA, attachée de presse puis finalement chef du staff de la nouvelle Première Dame, elle mène sa propre barque. Une distance qui lui permet aussi de voir clair dans ses sentiments pour Josh avec lequel elle finit par sortir.
Mais dans The West Wing, il est une secrétaire, peut-être la plus importante de toutes que l’on oubliera pas de sitôt tant elle fut une institution : Mrs Landingham (Kathryn Joosten) la secrétaire personnelle du Président. Cette petite dame blonde à l’air peu amène monta la garde devant le bureau Ovale et aura plus d’une passe d’armes avec le Président Bartlet. Mais le Cerbère a le cœur plus tendre qu’il n’y paraît et voue au leader du monde libre un respect à nulle autre pareil, lequel le lui rend bien. Et pour cause, ces deux-là se connaissent depuis des années puisqu’elle fut aussi l’assistante du père de Jed.
Sa mort brutale dans un accident de voiture causé par un chauffard aura un effet terrible sur le Président ce qui rendra encore plus compliqué son remplacement par Debbie Fiderer (Lily Tomlin). Les débuts seront compliqués entre eux mais une relation de confiance solide s’établira, sans commune mesure cependant avec ce qui le liait à Delorès Landingham.
Pour certaines d’entre elles, le secrétariat est une façon de se faire une place et de gravir les échelons. Une situation qui s’illustre dans deux séries qui ont pour toile de fond les années 60 : Mad Men et Masters of Sex.
Ces femmes du passé sont l’expression d’un monde qui a heureusement changé avec le temps. Si la place de la femme dans le travail n’est toujours pas idéale et que le combat pour l’égalité reste d’actualité, il n’est plus forcément nécessaire de s’imposer de la même façon que le font Peggy Olson et Joan Holloway dans Mad Men et Virginia Johnson dans Masters of Sex.
Peggy et Virginia ont en commun d’incarner le changement et de chercher à s’accomplir personnellement dans leur travail refusant assez furieusement l’étiquette de femmes au foyer. Et à cette époque pleine de préjugés et de lieux communs, elles font office de pionnières. Peggy Olson (Elizabeth Moss) ne pouvait pas mieux tomber lorsqu’elle se retrouve secrétaire de Don Draper. Le bonhomme est un coureur de jupon, un homme torturé par son passé qui ment sur à peu près tout mais il est curieusement en avance sur son temps. Il ne fait pas partie du macho habituel de la société qui considère que la femme doit rester à sa place. Ou plutôt n’a-t-il aucun problème à la voir évoluer. Peggy va donc grandir dans l’ombre de ce grand homme de publicité et tout apprendre de lui pour mieux s’en détacher parfois dans la fureur et les reproches. La jeune femme va vite gravir les échelons malgré une grossesse cachée et une dépression post-partum. Et même si peu à peu, elle devient l’égal de Don au sein de la société, c’est à elle qu’il se livre le plus entièrement. Quelques uns des plus beaux épisodes de la série sont centrés sur un huis clos durant lequel ils se font face. Elle restera sa secrétaire, sa protégée et lui, son mentor, l’homme qui l’a inspirée.
A l’inverse de Peggy, Joan Holloway (Christina Hendricks) est un fantasme ambulant pour les hommes qui croisent son chemin. Au début de la série, elle est déjà bien établie au sein de l’agence de publicité puisqu’elle est la reine des secrétaires, une superintendante dans tous les sens du terme qui dirige d’une main de fer dans un gant de velours. Malgré ce que l’on pourrait croire, elle ne va pas se servir de son physique affolant pour gravir les échelons. Si elle couche avec le patron Roger Sterling, ce n’est pas par ambition mais parce qu’il lui plaît.
D’ailleurs, elle ne cherche pas à devenir autre chose que la femme en charge qu’elle est déjà. Elle veut juste assurer son avenir et celui de son fils tout en restant à sa place. En manœuvrant finement, elle va finir par obtenir des parts de l’agence et devenir une associée à part entière qui obtient de fait quelques tâches supplémentaires mais ne change en rien de domaine de compétences. Ce n’est qu’une fois installée et pour garder un client, elle fera une faveur sexuelle.
Les choses se déroulent peu ou proue de la même façon que Peggy Olson pour Virginia Johnson (Lizzy Caplan) à cela près qu’il y a un jeu de séduction très clair entre elle et Bill Masters, complètement absent de la relation Peggy/Don. La nature de leur travail n’y est sans doute pas pour rien ! Observer des gens faire l’amour pendant des soirées entières a forcément un impact.
Mais dans ce petit hôpital américain, au tout début des années 60, Virginia fait figure de personnage féminin unique en son genre. Avant sa rencontre avec Bill dont elle devient la maîtresse (et répond donc à un certain cliché), elle est une mère célibataire de deux enfants, une divorcée féministe qui n’a pas peur de son propre désir et voit loin, beaucoup plus loin que le bout de son nez. A force de ténacité et de sérieux, Ginny va se voir ouvrir les portes de l’étude de son patron et se rendre absolument indispensable à son entourage. Bill et son égo tenteront bien de la reléguer dans un coin mais force sera de constater qu’elle est irremplaçable et la garante d’un certain succès de l’étude.
Les secrétaires de séries TV sont dans leur grande majorité des professionnelles accomplies qui en savent bien souvent tout autant que leur boss. Elles incarnent une certaine idée de la femme disponible avec laquelle tout est possible. Un corps bien fait (n’oublions pas qu’elles demeurent une « vitrine ») et un cerveau bien rempli mis au service des autres tout en sachant en tirer profit avec sagesse. Respectueuses mais jamais impressionnées par leurs supérieurs malgré l’admiration qu’elles leur portent, elles les challengent, les poussant parfois dans leur retranchement pour le bien commun.
Elles ont ce petit truc en plus qui ne laissent personne indifférent. Patron comme téléspectateur !
NB : Notez que l’auteur ne souhaitant pas être taxée de sexisme reconnaît bien évidemment que l’assistanat n’est pas uniquement l’apanage des femmes mais notre site s’appelant Femmes de séries…