Taylor Sheridan a encore frappé : après le succès phénoménal de Yellowstone, le showrunner change son fusil d’épaule (ah ah, humour !) et passe du western à la série de guerre et d’infiltration.
Special Ops : Lioness, sa nouvelle série pour Paramount + se base sur un véritable projet de l’armée américaine qui consistait à infiltrer une jeune femme dans l’entourage d’un terroriste lui permettant ainsi de s’en approcher et de l’éliminer.
Dans ce qui devait être une mini-série de 8 épisodes mais qui risque d’avoir une suite (on l’espère), la marine Cruz (Laysla de Oliviera) au passé plus que cabossé, est recrutée par Joe (Zoe Saldana), cheffe de station de Lioness en recherche d’une nouvelle recrue pour faire amie amie avec Aaliyah (Stephanie Nur), la fille d’un homme d’affaire considéré par la CIA comme un financeur du terrorisme au Moyen-Orient.
Attention spoilers
Cruz, l’écorchée vive
Voilà pour le pitch somme toute basique. Le reste de la série l’est beaucoup moins. Si on peut reprocher beaucoup de choses à Lioness dont son patriotisme exacerbé (encore que l’épisode final remet les pendules à l’heure de façon assez stupéfiante), il faut aussi la voir comme le vibrant témoignage de la souffrance de femmes prisonnières de leur destin.
I don’t know what the fuck I am
Dans ce registre, la plus évidente de toute c’est bien sûr Cruz. Avant de trouver un but (un conditionnement ?) dans l’armée, elle a été abusée, maltraitée par la vie, par les hommes. Elle trouve une sorte de salut en intégrant les Marines mais la mission qui lui est confiée en tant que Lioness ne fera qu’exacerber sa solitude et sa détresse.
Déjà parce que la préparation à la mission est littéralement une torture provoquée par Joe pour tester les limites de sa protégée. Mais surtout parce que Cruz est un être trop fracassé pour de l’infiltration. Elle ne veut pas mentir, elle ne veut pas faire semblant.
C’est encore plus difficile quand on tombe amoureuse de sa cible. Peut-être parce que c’est la première fois qu’on lui donne l’impression d’être aimée et d’aimer en retour. Pour la faire tenir, il faut continuellement la ramener à son statut de marine.
D’ailleurs, on remarquera que la comédienne est énormément dans la retenue, elle n’apporte rien d’elle-même à la différence de Saldana et de Nur. De fait, le personnage n’est pas vraiment intéressant et un peu terne. Parce que Cruz préfère se taire pour éviter de déborder.
Aaliyah, l’esprit libre
La véritable révélation de la série est à la fois le personnage d’Aaliyah et son interprète, Stephanie Nur qui explose à l’écran. Il faut dire que son rôle est intéressant à plus d’un titre. Elle est cette jeune femme musulman moderne, enfant gâtée avec les pieds sur terre qui a pleinement conscience de vivre ses derniers instants de liberté en tant que femme.
Bien qu’elle doive épouser un homme qu’elle n’aime pas, elle reste positive soulignant qu’au moins, il n’est pas méchant (euh !). Elle ne veut pas renoncer à sa liberté mais elle se fait une joie que le mariage se déroule à Majorque. Elle sait que si elle dit non à son union, elle risque d’être tuée, elle connaît son destin depuis qu’elle est en âge de comprendre.
Les plus romantiques parleront d’amour mais la réalité est sans doute plus terre à terre : elle va prendre de Cruz ce dont elle a besoin parce que c’est elle et que c’est maintenant. Et elle n’a sans doute pas été la première.
There is nothing safe inside this world…but there is a world inside the world. A special world, and I’m going to show it to you.
Joe, entre deux mondes
On devine au long discours que Joe fait à une Cruz complètement paumée qu’elle a connu des situations d’errances sentimentales similaires lors de missions sur le terrain. La grande réussite de Zoe Saldana est de parvenir à faire de Joe une héroïne dure mais compréhensive juste ce qu’il faut.
A la différence de Cruz et d’Aaliyah, il n’y a pas de sentiment qui interfère avec la mission qui lui a été assignée. Elle n’aime pas Cruz, elle ne déteste pas Cruz. Elle se sert de Cruz et elle la manipule.
Look at me, I know how it feels. Always on guard, no one you can confide in. There’s alone, and then there’s you. I get it. I also know that you have been abused and ignored, you have no family. You have no friends, and you gave yourself to the Marines, and then to me – and now you have a purpose, and it is noble, but it can’t make you feel loved. It can’t make you feel wanted, and people need that. She made you feel that, and I’m glad, but don’t delude yourself into thinking she’s in love with you. You’re her last hurrah before she assumes the role of baby-maker and baby-raiser.
En revanche, la souffrance de Joe se situe dans l’insupportable séparation entre son travail et sa famille. Ce boulot qu’elle semble adorer et subir en même temps avec une cheffe compréhensive mais stricte (Kidman, momifiée) l’éloigne toujours plus de ses filles et de son mari.
Et quand la raison d’état t’empêche de voir ton enfant sur son lit d’hôpital, c’est à revoir ses priorités. Qui plus, quand ta protégée finit par te haïr et te faire assez justement remarquer que ce que tu considères comme un sacerdoce contribue au problème.
Bien que se situant à différents échelons sur l’échelle des responsabilités, Cruz, Aaliyah et Joe sont bel et bien prisonnières de leur destin respectif. Et ironiquement, à la fin de la saison, il ne tient qu’à elles de changer la donne. Seule l’une d’entre elles semble faire le bon choix.