Un peu après tout le monde, nous avons regardé It’s a Sin, la dernière mini-série de Russel T. Davies, le papa de Queer as Folks UK et l’an dernier de l’incroyable Years and Years. Cette fois, le scénariste plonge dans les années Sida en Angleterre, de 1981 à 1991, période charnière et abominable. Des années qu’il a vécues et que ses jeunes héros, Ritchie, Colin, Ash, Roscoe et Jill vont se prendre de plein fouet. Au-delà du nécessaire devoir de mémoire, It’s a Sin est une série d’utilité publique pour se rappeler ou découvrir ce que ces jeunes gens ont subi et comment les pouvoirs publics ont agi en les enfermant, les isolant.
Au coeur du brasier, il y a le personnage de Jill qui porte la série. On ne s’en rend pas tout de suite compte mais au fil des 5 épisodes, il apparaît clairement qu’elle est l’héroïne de la série. Si Jill prend une telle importance c’est parce qu’elle nous représente. Elle est le témoin de cette période qui devrait être insouciante mais qui peu à peu devient un cauchemar.
Femme des années 80
Etudiante en arts dramatiques, elle se lie d’amitié avec Ritchie qui change de cursus et opte comme elle pour le théâtre. Ces deux-là deviennent les meilleurs amis et Ritchie aime à la présenter ainsi. Avec la petite bande qu’ils forment, ils s’installent tous en colocation. Jill endosse alors un rôle multiple. Elle est l’amie, la conseillère, la mère de substitution, le soutien indéfectible mais aussi une jeune femme de 20 ans qui aime la fête.
Outre ses activités avec ses boys, on ne sait pas grand chose de sa vie en dehors de son activité professionnelle et du soutien de ses parents. On ne la verra jamais sortir avec personne, ne ramener aucune conquête à l’appartement. Un peu comme si son devoir était de soutenir les autres de façon indéfectible.
Pour les parents de Ritchie, elle est sa petite amie, alors même qu’ils ne cessent de dire qu’ils ne sont pas ensemble. Pour autant, c’est elle qu’il ramène à Noël ou pour d’autres occasions comme soutien psychologique. Elle le poussera d’ailleurs à faire son coming-out très tôt mais il n’y arrivera pas.
Quand les rumeurs autour d’un « cancer gay » arrivent des USA, elle ne prête pas vraiment attention. Mais au fil des mois et face à un premier cas autour d’elle, Jill prend la menace au sérieux. Elle a besoin de se renseigner et demande à Colin, de passage à New York, de lui ramener de quoi lire.
Comprendre et agir
En l’absence d’informations concrètes des autorités (qui ne viennent pas), elle a peur quand elle s’occupe d’un des garçons contaminés. Elle met des gants pour aller chez lui, elle récure la tasse dans laquelle il a bu. Comment lui en vouloir ? N’importe qui avait peur à cette époque.
Jill se fait encore plus qu’avant la voix de la raison, notamment auprès d’un Ritchie plus que sceptique. Elle n’hésite pas à délaisser son groupe pour aller échanger avec un groupe de prévention. Elle s’engage bénévolement auprès d’une ligne téléphonique d’urgence pour malades esseulés.
Et d’années en années, alors que le Sida devient une réalité que l’on ne peut plus ignorer, que ses amis meurent les uns après les autres, Jill la joyeuse, la sociable, l’amie patiente auprès de parents intolérants décide de dire les vérités qui font mal mais qui sont justes.
He was ashamed, and he kept on being ashamed. He kept the shame going by having sex with men and infecting them and then running away, ’cause that’s what shame does, Valerie. It makes him think he deserves it. The wards are full of men who think they deserve it. They are dying, and a little bit of them thinks, « Yes… this is right. I brought this on myself. It’s my fault because the sex that I love is killing me. » I mean, it’s astonishing. The perfect virus came along to prove you right. So that’s what happened in your house. He died because of you. They all die… because of you.
Cette réplique exceptionnelle est peut-être à destination de la mère de Ritchie mais elle est universelle. Jill s’adresse à toutes les familles qui ont ostracisé leur proche et qui les ont tués par leur déni et leur honte.
Inspirée d’une femme réelle
Si ce personnage est si profondément incarné par la jeune et très douée Lydia West, déjà vue dans Years and Years, c’est qu’elle est inspirée d’une amie de Russel T. Davies. Jill Nalder a vécu tout ce que la Jill de la série a vécu. Elle apparaît d’ailleurs dans le show puisqu’elle joue la mère de … Jill. Une femme accueillante et ouverte d’esprit qui accompagne sa fille dans ses combats.
Comme son modèle, la dernière action de Jill de It’s a Sin est de se rendre à l’hôpital, de rentrer dans la chambre d’un parfait inconnu et de rester à ses côtés.
Un si beau personnage, une belle et grande âme.