Peter Morgan, créateur de The Crown avait prévenu dès le départ. Aussi longtemps que durerait sa série, il ne serait pas question de grimer les acteurs. Ainsi toutes les deux saisons, l’intégralité du casting de la série de Netflix fait peau neuve.
Il s’agit donc de la dernière saison pour Olivia Colman qui sera remplacée dans les saisons 5 et 6 par Imelda Staunton et l’unique saison pour Emma Corrin en Diana (Elizabeth Debicki lui succèdera) et Gillian Anderson en Margaret Thatcher. Même chose pour Helena Bonham-Carter qui laisse le personnage haut en couleur de Margaret à Lesley Manville.
Au-delà de l’évolution des personnages féminins connues, les deux stars de la saison sont incontestablement Lady Diana et Margaret Thatcher. Entre conservatisme et ambiance pop des années 80, les femmes de The Crown font plus jamais l’Histoire.
Attention spoilers possibles
Elizabeth II
Vous nous direz : « Pourquoi la mettre en premier ? »
Certes elle n’est pas la star de cette saison mais elle est la star de la série et cette Reine dont le destin importe plus que n’importe quel autre membre de la famille Windsor comme le rappelle Philip à Diana dans le final de cette exceptionnelle saison 4.
Une Reine qui a tellement évolué avec les années, qui a gagné en maturité et en flegme. En drôlerie aussi. Une Reine qui ne craint plus les autres femmes de pouvoir mais qui s’y intéresse comme l’atteste sa relation avec Margaret Thatcher.
Pour autant, son intérêt a des limites ! Celles qu’imposent la monarchie !
Elizabeth II est plus que jamais confinée (c’est d’actualité !) dans sa tour d’ivoire, parfaitement non informée de ce qui se passe dans sa propre famille. Son maître à penser Winston Churchill serait fier de voir que sa Reine se tient au courant des affaires politiques de son pays et du monde et qu’elle se montre même empathique envers ses sujets dont l’un pénètre dans sa chambre (quel sang-froid !) mais elle est parfaitement déconnectée des siens au point de ne même pas savoir lequel de ses enfants est son préféré !
Ses déjeuners entre filles avec sa mère, sa sœur et sa fille sont l’occasion de glaner des informations dont elle semble toujours s’étonner. Et quand il faut se mêler du mariage de son aîné, elle fait en sorte que cela lui prenne le moins de temps possible. Elle n’hésitera pas à torpiller le mariage d’Andrew avec Fergie parce qu’elle ne s’entend pas avec Thatcher sur l’Apartheid.
D’ailleurs, si tout le monde pouvait vivre un mariage finalement aussi apaisé que celui qui est désormais le sien avec Philip, elle est d’avis que tout y irait parfaitement bien pour elle et surtout pour la monarchie.
Pas la peine de convoquer des experts, on tient là le secret de sa longévité ! Tea, corgis et tranquillity !
Diana
Toute histoire a sa martyre et sa sacrifiée, Diana Spencer est celle de The Crown. Ce concours de circonstances qui l’amène à rencontrer Charles est sans doute la pire chose qui pouvait lui arriver.
Cette saison n’échoue jamais à faire de Diana cette princesse du cœur que les gens de tous les pays aiment passionnément, que les journalistes poursuivent dès que les rumeurs d’une relation avec Charles circulent, cette jeune femme plein d’empathie non feinte et bêtement amoureuse.
La saison montre surtout ce qu’il y a derrière ce soit-disant conte de fée dont elle aurait du et aurait pu s’extirper si elle n’avait pas été si jeune et si impressionnable : la souffrance, les crises de boulimie, l’accueil plutôt frais réservé par la famille Windsor, l’absence de soutien de la part de la Reine, la jalousie que le succès de Diana inspire à toute la famille y compris Charles.
Emma Corrin est physiquement parfaite de mimétisme mais la saison ne parviendra pas forcément à nous la rendre passionnante. D’une part parce que la concurrence est rude avec le personnage de Thatcher, d’autre part parce qu’elle manque pour l’instant de fond ce que la saison prochaine devrait proposer.
On est désolé pour elle, on la plaint, on la comprend quand elle décide de prendre des amants, on est outré qu’elle soit jugée pour cela alors que Charles qui fait pareil n’est pas inquiété mais non, à ce stade, Diana n’est pas encore très intéressante.
Margaret Thatcher
De cette saison et potentiellement de toute la série à ce jour, Margaret Thatcher est le personnage le plus complexe et le plus ambigu. On connaissait bien entendu la réputation de la Dame de Fer mais moins ses évidentes contradictions.
Voilà une femme d’un petit milieu qui devient chimiste puis avocate, épouse et mère de famille, qui gravit peu à peu les échelons jusqu’à devenir la première femme Premier Ministre de l’Angleterre (durant 11 ans) mais qui semble avoir une vision très particulière de la femme. Celle-ci serait faible et trop émotive pour faire partie d’un gouvernement, assène la seconde femme la plus puissante d’Angleterre à la première femme la plus puissante d’Angleterre !
Une vision bizarre et renforcée par sa relation avec sa fille à qui elle dit clairement qu’elle préfère son frère car il est plus fort !
Autre comportement étrange pour son statut, son obsession de tout faire par elle-même chez elle, de la valise de son mari, au dîner pour ses ministres !
Vous a-t-il échappé, chère Madame, que vous êtes Margaret fucking Thatcher ?!
Au-delà de ces bizarreries, la Thatcher de The Crown est évidemment intraitable sur à peu près tous les sujets, odieuse en bien des occasions avec le verbe haut et un sens de la répartie impressionnant qui n’a rien à envier à celui de la Reine. D’ailleurs leurs audiences sont l’occasion de joutes verbales fabuleuses.
Seules les dernières minutes de sa dernière audience avec la Reine la laisse sans voix et ça, c’est un tour de force !
Margaret
C’est une Margaret fatiguée, malade, déprimée mais curieusement apaisée que l’on retrouve. Et puis surtout, c’est sa clairvoyance qui ravie. Elle a beau taquiner plus que de raison la bouteille, elle est bien la seule à voir avant tout le monde (et surement de part son propre passé) que le mariage de Diana et de Charles est une colossale erreur qui fera souffrir les deux parties et tirera la jeune Spencer au fond du gouffre.
Mais comme elle aime à le dire, elle n’est que la seconde, elle ne peut rien faire, elle n’a aucune pouvoir. Même son île Moustique, les balades sur la plage et les fêtes entre amis ne lui remonteront pas le moral.
En revanche, la découverte de l’enfermement passé sous silence par sa mère de ses cousines parce qu’elles souffrent de déficience mentale l’amène d’une part à se poser des question sur sa propre dépression et achève de lui donner une terrible image de la famille Windsor où les apparences ont toujours plus de poids que l’humain.
Camilla Parker-Bowles
Et si Camilla n’était pas la méchante sorcière qu’on a bien voulu nous faire croire ?! Alors certes niveau moralité, on repassera ! Désormais mariée à Andrew Parker-Bowles (qui la trompe à tour de bras) et mère, elle continue d’entretenir avec Charles une relation fusionnelle qui n’échappe à personne, même à Diana dès la veille de son mariage.
Mais Camilla ne jouera finalement jamais double jeu. Elle est plus ennuyée qu’autre chose par la situation et ne souhaite finalement pas vraiment que cela change bien consciente qu’elle perdra fatalement face à Diana. Personne n’aime les maîtresses même quand elles sont le grand et le seul vrai amour de l’autre.
Comme Charles et comme Diana, Camilla est victime du système de la monarchie dont la Reine est la garante. Et elle a raison de dire qu’on ne lui pardonnera jamais d’avoir été l’autre femme même si elle était a bonne.
A l’instar de Margaret, Camilla est sans doute le personnage qui a le plus de recul sur la situation.
Anne et la Reine Mère
Comme son frère Charles, Anne connaît un passage à vide dans son mariage avec Mark Philips, une union qui ne fonctionne plus. Anne reste la jeune femme bad-ass et sarcastique qu’elle a toujours été (à se demander si elle n’a pas été adoptée !) mais les années ont passé, elle est épouse, elle est mère et elle ne brille plus autant qu’avant. Surtout auprès de la presse qui lui préfère la jeunesse de Diana et qui préfère retenir ses soucis de cavalière plus aussi émérite qu’autrefois.
Pour autant, Anne est plus ancrée qu’autrefois dans la famille, toujours très proche de son père, soutien de son frère et informatrice émérite de sa mère quand il s’agit d’en savoir plus sur le mariage de son aîné avec Diana.
Et le prix de la meilleure plante verte revient à Elizabeth 1ère ! Non, cette saison, en dehors d’une discussion animée avec Margaret sur une énième magouille de la famille pour planquer des membres mentalement déficients, la Reine Mère fait juste tapisserie. Et c’est encore comme ça qu’on la préfère : insignifiante plutôt que méchante.